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05 gen 2021

"Le Monde" sui confini del Monte Bianco

di Luciano Caveri

Non capita tutti i giorni di essere intervistato da "Le Monde" e devo l'occasione a Jérôme Gautheret, corrispondente da Roma per il prestigioso quotidiano parigino. L'ho incontrato qualche settimana fa nel mio ufficio ad Aosta e siamo stati a lungo a parlare in una conversazione assai piacevole sulla famosa storia del confine sulla vetta del Monte Bianco. La ragione della sua visita è meglio presentata nell'occhiello del suo pezzo, che così recita: «Entre les deux pays, l'imbroglio à propos du tracé de la frontière sur le "toit de l'Europe" dure depuis plus de cent cinquante ans. La création d'une "aire protégée" de 32 km² autour du sommet alpin, en octobre, a relancé les arguties».

L'attacco del pezzo mi riguarda ed anche mi lusinga: «Nous sommes en septembre 1986, par une belle journée de fin d'été. Le pape Jean Paul II, en visite pastorale dans la vallée d'Aoste, est dans son élément à la montagne. A Courmayeur, il donne une messe sur le mont Chétif, face au mont Blanc, dans laquelle il dépeint le "toit de l'Europe" comme le symbole d'un continent bientôt réunifié. Au sortir de la cérémonie, il fait à ses hôtes une requête toute simple: celle d'être emmené en hélicoptère sur le sommet. Mais cette demande plonge les organisateurs dans des abîmes d'embarras. "Quand nous avons contacté les Français, ils nous ont dit: "Le pape, c'est compliqué, c'est un problème international". Nous ne voulions pas créer un incident diplomatique. Alors, finalement, nous avons décidé de le poser sur le glacier, un peu plus bas. Mais le vieux guide qui l'accompagnait n'en menait pas large: durant toute la promenade, il était effrayé à l'idée que le pape disparaisse sous ses yeux dans une crevasse" L'homme qui raconte cette anecdote, avec plus de trois décennies de recul, s'appelle Luciano Caveri. Longtemps parlementaire (il a été le représentant de la Vallée d'Aoste à la Chambre des députés italienne de 1987 à 2001, et a siégé au Parlement européen de 2000 à 2003), il est aujourd'hui chargé des questions européennes au Conseil de la Région Autonome. Et nous reçoit à Aoste, dans un grand bureau avec vue sur les montagnes, dont le principal élément de décoration n'est autre qu'un gigantesque tableau mural représentant le massif du Mont-Blanc. "A l'époque, je n'ai rien su de cet épisode, je l'ai seulement appris il y a quelques années, de la bouche du guide", confie-t-il. "C'est absurde mais c'est comme ça: à cet endroit, nous ne sommes pas d'accord sur le tracé de la frontière"». Quale onore avere questa introduzione. Ma l'articolo scava nella questione con grande equilibrio: «S'agissant de trois morceaux d'espaces désolés situés à plus de 3.000 mètres d'altitude, inhabités et dépourvus de la moindre route (la seule infrastructure notable est la pointe Helbronner, où se trouve l'arrêt du téléphérique panoramique "Skyway Monte Bianco", partant de Courmayeur), la question pourrait sembler anecdotique. Mais du point de vue des symboles, c'est une autre histoire. Car le point culminant des Alpes est investi, de part et d'autre de la frontière, d'une charge identitaire considérable, qui fait que le plus minuscule incident peut déclencher des réactions passionnelles. Le dernier épisode remonte au mois d'octobre, après la signature par le préfet de Haute-Savoie d'un arrêté créant une "aire protégée" sur le mont Blanc, consécutif à une annonce faite par Emmanuel Macron le 23 février, lors d'une visite dans la région. Problème : cet arrêté définissant un territoire de 32 km² empiète sur trois zones litigieuses, le mont Blanc lui-même, le dôme du Goûter et le glacier du Géant, dont l'Italie considère qu'elles font partie intégrante de son territoire national. Aussitôt, Luigi Di Maio, le ministre italien des affaires étrangères, a fait part de sa "forte déception", ajoutant que ces mesures visant à réglementer les activités humaines pour sauvegarder la faune et la flore "ne pourront avoir aucun effet et ne sont pas reconnues par l'Italie". Une protestation jugée trop tiède par la droite souverainiste italienne. Le 18 octobre, Francesco Lollobrigida, chef du groupe Fratelli d'Italia (postfasciste) à la Chambre des députés, interpelle le gouvernement sur son inaction, accusant la France d'avoir "volé le mont Blanc". Le 22, un petit groupe de militants de la Ligue de Matteo Salvini (extrême droite) se faisait photographier au pied du massif, portant une pancarte bilingue "Giù le mani del Monte Bianco". En français: "Touche pas au mont Blanc". Le refrain ne cessera d'être repris durant quelques jours par l'ensemble de l'opposition. "C'est un de ces sujets qui, 99 pour cent du temps, n'ont aucune importance. Mais quand la discussion commence, ça devient tout de suite explosif", confie un diplomate romain, étonné que de telles tensions puissent apparaître soudain, pour ce qu'un de ses confrères appelle "des histoires de trous de marmottes"». Poi Gautheret entra ancor di più nella storia: «Pour comprendre l'origine de ce litige, il faut remonter plus d'un siècle et demi en arrière, au traité de Turin, conclu le 24 mars 1860, par lequel ce qui n'était pas encore tout à fait le royaume d'Italie cède à la France de Napoléon III la Savoie et le comté de Nice. Ce traité est complété dans les mois qui suivent par deux protocoles, puis une "convention de délimitation des frontières", conclue en 1861, et un "procès-verbal d'abornement", finalisé l'année suivante. Les textes de 1860 et 1861 comportent une notation qui se veut sans doute claire et incontestable, mais ne l'est pas du tout: "La nouvelle frontière suivra la limite actuelle entre le duché de Savoie et le Piémont". Problème, ces deux entités formaient jusqu'alors et depuis des siècles (si l'on fait exception de la période napoléonienne) deux parties d'un seul et même ensemble territorial, si bien qu'il n'avait jamais été procédé à une délimitation précise. Dans les protocoles suivant la conclusion du traité, les parties "admettent comme documents topographiques pour la crête des Alpes la carte au 1/50.000e de l'état-major sarde". Celle-ci est conservée aux archives d'Etat, à Turin, et continue à être la pièce maîtresse de l'argumentation italienne. Malgré son caractère imprécis (les reliefs n'étaient pas cartographiés au XIXe siècle avec autant de précision qu'aujourd'hui), elle trace clairement une frontière épousant la ligne de crête. "C'est la logique qui prévaut partout en Europe s'agissant de frontières montagneuses depuis le traité d'Utrecht, conclu en 1713. On se base sur la ligne de partage des eaux", souligne Luciano Caveri, qui a porté sur ce sujet plusieurs interpellations à la Chambre des députés italienne, mais aussi au Parlement de Strasbourg. La France juge ce tracé trop imprécis pour faire foi. Elle disposait d'une copie de la carte de l'état-major sarde, mais elle a disparu en 1940, pendant l'exode. Il n'en subsiste plus qu'une photographie, d'assez mauvaise qualité. La position française, elle, s'appuie sur des travaux postérieurs, effectués en 1865 par le capitaine Jean-Joseph Mieulet (1830-1897), un militaire français chargé d'élaborer la carte d'état-major de la zone et qui, d'un trait de plume, a englobé les glaciers du sommet du mont Blanc, incluant ainsi l'intégralité du "toit de l'Europe" à l'intérieur des frontières françaises. En 1877, pour justifier ce tour de passe-passe, l'historien et géographe Charles Henri Durier (1830-1899) explique: "Quand le mont Blanc fut devenu célèbre, on attacha plus de prix à sa possession. (…) Après la cession de la Savoie, les Alpes devaient former désormais la séparation de l'Italie et de la France, et il était naturel que la ligne frontière suive le faîte de la chaîne. Une offre gracieuse du gouvernement italien fit une exception pour le mont Blanc". Las, aucun document ne mentionne un geste de ce type. Sans être jamais reconnu par les autorités italiennes, le tracé de l'état-major français s'impose dans les faits, tandis que le royaume d'Italie, trop occupé à parfaire son unité, accepte une situation de fait accompli, sans jamais le dire explicitement. Il aurait été possible de sortir de l'ambiguïté après la seconde guerre mondiale, lors des discussions aboutissant au traité de Paris, en 1947, qui rectifie en plusieurs points la frontière entre les deux pays, restituant à la France plus de 700 km² de territoire, mais les participants se sont bien gardés d'évoquer le sujet. Aussi le statu quo a-t-il perduré. Dans toutes les écoles françaises, les élèves ont appris par cœur que le mont Blanc, plus haut sommet d'Europe, était en France, tandis que de l'autre côté de la frontière, les instituteurs italiens répétaient que le sommet est partagé entre les deux Pays». Si viene poi alla storia più vicina: «Cet état de fait est de loin en loin troublé par quelques incidents, causés par des arrêtés français portant sur les zones contestées. En septembre 2015, devant l'afflux de touristes provoqué par l'ouverture du nouveau téléphérique "Skyway Monte Bianco", sur la pointe Helbronner, la mairie de Chamonix (souveraine, selon la position française) avait posé des barrières et panneaux avertissant de la dangerosité du glacier. Aussitôt, côté italien, on avait crié à "l'arrogance", et à la violation de territoire. L'affaire était remontée jusqu'au niveau gouvernemental, avant de se calmer. En juin 2019, c'était un arrêté interdisant le survol en parapente des deux communes françaises de Saint-Gervais et Chamonix, toujours pour des raisons de sécurité, qui avaient provoqué la colère des Italiens. Cette fois-ci encore, les protestations étaient remontées jusqu'au sommet de l'Etat. Depuis le milieu des années 1990, des réunions interministérielles sont organisées à chaque poussée de fièvre, aboutissant à chaque fois à la même impossibilité de trancher. "De toute façon, la seule conclusion possible de ce genre de réunions, c'est de constater qu'on n'est pas d'accord. On parle tout de même de rectifications de frontières, ça se décide au niveau des chefs d'Etat", souligne un diplomate français. Ainsi, chacun campe sur ses positions en comptant ses soutiens. Par exemple, Berlin et Vienne penchent pour le tracé italien, tandis que Londres a adopté l'optique française. Dans ses cartes militaires, l'Otan retient la version italienne, en revanche les logiciels "Google Earth" et "Google Maps" font apparaître les deux tracés, dans une savante ambiguïté. Les cartes de l'Office fédéral de topographie suisse, elles, ont beaucoup varié, adoptant la version italienne jusqu'en 1963, puis le tracé français jusqu'en 2018, avant de se replier vers la plus stricte neutralité, parlant désormais de "territoires disputés"». Eccoci alla parte finale: «Des "territoires disputés" en 2020, dans les Alpes ? L'expression fait sourire le mairie de Courmayeur, Roberto Rota. Même si celui-ci reconnaît des tensions ponctuelles avec les élus de l'autre côté de la frontière, il tient à souligner que "le plus important reste la coordination des secours", et que, de ce côté-là, les choses fonctionnent parfaitement. "Personne ne veut planter son drapeau au sommet du mont Blanc, et de toute façon, en montagne, les frontières sont changeantes", rappelle l'édile. "Si Emmanuel Macron et Giuseppe Conte se saisissaient du sujet, il y en aurait pour un rien de temps", veut croire Luciano Caveri. En toute logique, le sujet pourrait être un jour au menu des discussions en vue d'un traité du Quirinal, qui, sur le modèle du traité de l'Elysée entre la France et l'Allemagne, offrirait un cadre de coopération stable et formalisé entre la France et l'Italie, et auquel les deux pays travaillent depuis 2017. Sauf à penser que la meilleure solution est de rester dans le flou, afin de ne pas réveiller les rancœurs entre deux pays qui croient se connaître si bien». Interessante e oggettivo.