Le 24 mars 1860, le Duché de Savoie et le Comté de Nice sont rattachés à la France. L'histoire de cette annexion a pour toile de fond le Risorgimento (unification de l'Italie). En échange de Nice et de la Savoie, Napoléon III accepte d'aider Victor-Emmanuel II, roi de Piémont-Sardaigne, à unifier l'Italie et à lutter contre l'Autriche. Le Royaume d'Italie est proclamé le 17 mars 1861. C’est avec ces quelques mots - qui sont la synthèse d’un parcours bien plus complexe - que nous pourrions résumer deux moments clou de l’histoire valdôtaine. Notre région est séparée de la Savoie, un territoire auquel elle était liée par des aspects culturels, historiques, économiques et sociaux, qui ont été interrompus brusquement ou qui sont devenus difficiles à entretenir à cause d’une frontière placée entre deux Etats, ce qui était franchement difficile a accepter pour tous ceux qui pendant des siècles avaient vécu dans une logique de fraternité et de partage. L’Unité d’Italie complète le parcours de la Maison de Savoie qui, en partant de notre aire alpine, s’impose et règne sur l’Italie en construction, en considérant la Vallée d’Aoste comme un petit territoire de frontière.
Il est bien que ces deux passages, à l’approche des 150 ans et avec la naissance en France et en Italie de Comités qui organiseront la célébration de ces événements historiques, ne trouvent pas la Vallée d’Aoste impréparée et il est nécessaire que notre région autonome, aussi bien par sa vocation culturelle que par l’originalité des faits politiques et historiques qui l’ont intéressée depuis cette époque et jusqu’à nos jours, devienne le lien entre ces célébrations qui se dérouleront en Italie et en France, sans oublier les moments d’approfondissement et de réflexion qui nous concernent directement. En effet ces deux années, ainsi que les événements précédents qui ont préparé le terrain et dont les journaux locaux de l’époque ont beaucoup écrit, sont à la base de la naissance de la “questione valdostana” comme nous la connaissons aujourd’hui. La minorité linguistique insérée dans un Etat national est le fruit de la perte des territoires francophones et de la naissance vraie et propre de l’Italie. Si la Vallée d’Aoste, dans son rapport millénaire avec la Maison de Savoie, avait pu affirmer ses particularités institutionnelles, fondées essentiellement sur son caractère montagnard qui donnait lieu à des règles de droit particulières, à partir de ce moment l’histoire changea d’itinéraire. Il est normal, en effet, d’assister, dans l’histoire millénaire d’une communauté comme la notre, à des moments de passage dans lesquels des faits qui ne dépendent pas de notre volonté nous investissent avec force et modifient le cours des choses. Ça a été le cas à l’époque et il ne faut pas perdre l’occasion d’en parler. Je pense qu’il serait inutile d’être nostalgiques et de ne penser qu’au passé. L’histoire est celle que nous vivons et elle n’est pas celle qui aurait pu dériver de choix ou de décisions différentes. J’aime bien ces passages d’un document écrit par une douzaine de sociétés historiques de la Savoie qui soulignent la nécessité de: "Profiter de l'occasion pour monter que la Savoie appartient aussi fondamentalement au monde alpin, qu'elle a toujours eu de fortes relations avec ses voisins helvétiques, valdôtains, piémontais et dauphinois et donc montrer que la célébration de l'Unité nationale n'empêche pas bien au contraire d'énoncer notre volonté et notre plaisir d'être Européens (il faudrait veiller dans ces conditions à alerter Bruxelles sans trop tarder) ; Dans cette perspective franco-italienne, ne pas oublier que pour nos voisins piémontais, les dates importantes commencent en 1859 (Guerre d'Indépendance où, avec l'aide française, les Piémontais chassent les Autrichiens de l'Italie du Nord) et se terminent en 1861 (organisation de l'Unité italienne pendant que la Savoie s'intègre à la France, cette divergence n'empêchant pas le maintien de relations vieilles déjà de plusieurs siècles...)". J’ai l’impression que, en tant que valdôtains, nous pouvons offrir quelques arguments à ce débat, dans l’ensemble des événements qui se sont succédés depuis l’époque: le problème du régionalisme, perçu comme important même en Savoie, la dimension de la montagne comme élément qui nous unit à l’Europe, la discussion sur le fédéralisme qui trouve dans les régions naturelles (y compris dans notre Euro région) un élément important, le thème des minorités linguistiques, de la francophonie et le rôle du francoprovençal. Finalement il est essentiel de travailler à ce dossier pour éviter que des thèmes importants soient minimisés par la rhétorique nationaliste et patriotique des deux côtés des Alpes, en perdant au contraire une occasion historique pour faire de ces cérémonies officielles un moment différent, moins riche en rhétorique et célébrations et plus en réflexions et perspectives.