Il m’était déjà arrivé d’employer cette expression, très utilisée, dont je ne connaissais pas l’origine. Il s’agit de "l’effet papillon" qui est souvent cité ainsi: "Le battement des ailes d'un papillon peut-il déclencher une tempête à l'autre bout di monde?". J’étais curieux et j’avais entendu ce concept dit de différentes manières, donc je me suis mis à chercher le fil rouge de cette expression qui veut rendre plus compréhensible la "théorie du chaos" si compliquée et riche de notions mathématiques. Une théorie complexe, je disais, et si je devais dire quelle est son utilité j’utiliserais une phrase tirée d’un livre sur cet argument écrit par Ivar Ekeland, qui dit: «On ne pourra plus énoncer une théorie scientifique sans dire ce qui est calculable dans cette théorie et ce qui ne l'est pas». Ainsi qu’il arrive parfois pour des exemples concrets qui sont tirés des images, cette histoire du papillon a commencé à vivre autonomement et elle est citée plus ou moins correctement; voilà quelques éléments pour mieux la connaître.
La reconstruction historique n’est pas unanime. L’explication donnée en 1995 par Nicolas Witkowski dans les pages de la revue "Alliage" est celle que je trouve plus persuasive. La première étape remonte à Henri Poincaré qui écrit dans un de ses livres: «Un dixième de degré en plus ou en moins en un point quelconque (...) un cyclone éclate ici et non pas là». Le cyclone apparaît, mais le papillon ne le fait qu’en 1972. C’est à ce moment que Philip Merilees donne pour titre à une conférence du collègue météorologue Edward Lorenz "Le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas?" Voilà qui est fait! Ainsi naît "l’effet papillon", qui est plus tard défini de cette manière dans un livre de succès du journaliste James Gleick, qui a pour but de prouver le phénomène de sensibilité aux conditions initiales qui doit être interprété doublement: si le papillon pouvait déclencher un tornade qui, sans lui, ne se serait pas formée, il pouvait tout aussi bien empêcher une tornade de se former. Ce n’est que plus tard que la métaphore, qui devient de plus en plus utilisée, est invalidée par les scientifiques. David Ruelle, un des pionniers du chaos, explique que «les papillons volent en air calme» et donc l’exemple n’a pas de sens, alors que le CNRS français ajoute «la belle image du battement d'ailes de papillon induisant une tornade de l'autre côté de la planète est inexacte, car il existe aussi une dissipation de l'erreur à très petite échelle». Comme si on disait que le célèbre battement d’ailes se termine là où il se produit… Malgré cela la phrase prend beaucoup d’ampleur, dans le monde du journalisme et même au cinéma. Dans "Jurassic Park", le mathématicien prédit la catastrophe liée à la diffusion dans le monde des dinosaures reconstruits génétiquement, évoquant un papillon chinois déclanchant une tempête sur New York. L’ "effet papillon" nous met en garde à propos des dangers de simplification de la crise économique que nous vivons. Ivar Ekeland, dont j’ai parlé plus haut, consacre une partie de son livre sur le chaos à l’alternance dans le domaine économique entre des périodes de régression et d’autres d’expansion et au fait que les théories classiques non seulement n’expliquent pas les raisons exactes, mais surtout ne sont pas en mesure de prévoir les crises des marchés lorsqu’elles sont sur le point de se présenter. Son idée est de continuer à explorer les différents mécanismes et les raisons pour rendre plus prévisible l’économie et en explorer les côtés obscurs. Je crois que cela est vrai également pour les mesures avec lesquelles on répond à la crise: il faut éviter de parcourir uniquement les routes connues et faire preuve d’innovation et de fantaisie.