Le réseau de nos châteaux est un des aspects caractéristiques de la Vallée qui unissent culture et territoire. Amusez-vous à réunir toutes leurs photos, comme dans un puzzle, et vous en serez surpris. Je voudrais que cette constatation se transforme en une connaissance partagée, puisqu’il s’agit d’un élément précieux et originel de notre civilisation valdôtaine, qui devrait faire partie de l’ensemble des connaissances de tous les valdôtains fiers de l’être. De nos jours, avec toutes les possibilités que nous avons, l’ignorance devient un choix et non pas, comme dans le passé, une triste condition ou pire encore une imposition. Le sentiment d’appartenance à un peuple n’est pas un slogan politique, mais une conquête personnelle et communautaire qui fait de chacun de nous un citoyen conscient et un individu digne de ceux qui nous ont précédés, autrement nous risquons de devenir des bavards sans racines et sans coeur. La politique est faite de connaissances et non seulement de partage des émotions. J’ai grandi sous le château de Verrès et, comme pour tous les habitants, la forteresse a été un panorama quotidien, un lieu de jeu d’enfants, l’objet des dessins de l’école secondaire, des amusements du Carnaval, des visites pour les expositions. Mais à quelques kilomètres, le château d’Issogne était également familier ainsi que ceux de Graines ou de Saint-Germain de Montjovet. Cela vaut aussi pour les ruines d’Arnad ou encore pour le château Baraing et pour les restes de Pont-Saint-Martin qui le surmontent, pour en arriver au château de Fénis, la destination classique des excursions scolaires.
En tant que journaliste je me suis intéressé au Castel Savoia à Gressoney-Saint-Jean ou à la reconstruction du château d’Ussel à Châtillon, au château de Quart ou à celui de Sarriod de La Tour à Saint-Pierre. Je pense aussi à l’autre château de Saint-Pierre ou à celui de Saint-Denis, aux constructions historiques d’Avise et d’Arvier ou de Saint- Rhémy en Bosses. Dans mon rôle de politicien j’ai suivi la récupération du Fort de Bard, complexe et inachevée, j’ai visité des châteaux comme celui de Sarre ou d’Introd, le Château Vallaise à Arnad, les châteaux des Passerin d’Entrèves à Châtillon ou à Saint-Christophe. Je m’intéresse à la transformation du Baron Gamba à Châtillon et à l’ouverture au public d’Introd, ainsi qu’à l’idée de valoriser des restes comme Châtel Argent ou Cly. Tous - je suis sûr que j’en ai oubliés - ont une histoire, des vicissitudes, un état de conservation, un lien avec le pays où ils se trouvent. La variété est une richesse qui permet une sorte de carottage dans l’histoire valdôtaine et de parcourir de manière différente les localités de notre Région: le plan d’une chasse au trésor captivante, non seulement pour les touristes. Souvent nous sommes les victimes d’un phénomène qui n’est pas extraordinaire c’est à dire une sorte d’oubli des beautés de notre Vallée, comme si la connaissance était un acquis, quelque chose d’inné, alors que ce n’est pas le cas. Je trouve parfois des non valdôtains qui aiment notre territoire plus que nous et je vois, comme je le disais au début, nos compatriotes plongés dans une sorte d’oubli, comme lobotomisés de leur identité. Mais si le concept de réseau a une signification profonde, parce que nos châteaux - même avec l’aide des tours parsemées sur le territoire - communiquaient entre eux avec des feux ou des miroirs, aujourd’hui ces bâtiments et les endroits stratégiques et magnifiques où ils ont été bâtis doivent trouver une vocation pour en faire des entités uniques, mais en même temps unies: comme un bouquet de fleurs des champs, chacun avec sa forme, ses couleurs, son parfum. Je peux dire que ce dessein stratégique n’a pas été entièrement défini et souvent l’emploi des châteaux risque d’être épisodique et temporaire. Je crois que nous devons y réfléchir, en tenant compte du fait que les temps sont mûrs et les comparaisons possibles. Le problème est joindre la valorisation et la sauvegarde, tout en sachant que la conservation est un devoir, mais que l’usage intelligent l’est également pour éviter que les richesses ne soient pas dûment mises en valeur, coordonnées et offertes au public. Je sais qu’on travaille à beaucoup de possibilités, qu’on a déjà approfondi certains aspects, mais le projet définitif pourra avoir l’air d’une vraie révolution.