Cet été j’ai fait un jeu avec mes enfants. En général avant de s’endormir, Laurent et Eugénie stimulaient mes récits en choisissant un thème dont je devais leur parler. Le ton était surtout plaisant, mais parfois les émotions qui se cachent dans les souvenirs émergeaient, avec quelques regrets. Je crois que nous devons apprendre à nos enfants qu’il ne faut jamais avoir honte des sentiments : le rire et les larmes sont les deux faces d’une même médaille. C’est simple et naturel : il ne s’agit que de l’ancien mécanisme qui fait que les connaissances passent d’une génération à l’autre. Je le fais avec eux et ils le feront avec leurs enfants, durant la longue chaîne de la vie, à travers cette précieuse oralité qui maintient les rapports humains. Nos générations ont l’avantage d’avoir oublié les rigidités et les codes qui pesaient autrefois sur les familles dans les relations entre parents et enfants. Ce qui les amuse et parfois les bouleverse, en plus des anecdotes de famille, est l’histoire d’un monde disparu, méconnu à leurs yeux. Laurent, qui est un esprit pratique, s’intéresse des vieilles voitures et des motos du passé, et s’étonne d’une vie sans ordinateurs ni portables et avec très peu de télé. Eugénie se plaît d’une enfance avec des jouets simples et peu nombreux, avec les premières classes mixtes où les garçons et les filles étaient dans la même pièce, avec plein de petits magasins alimentaires au lieu des grands supermarchés et avec des produits – tels que les petits fromages industriels ou les bon bons – qui n’étaient pas à l’ordre du jour. C’était une Vallée d’Aoste rurale et ouvrière, où quand il neigeait il neigeait vraiment, où les routes étaient petites et difficiles et qui avait une sobriété et une éducation différente. Le passé signifie jeunesse, les yeux pleins d’espoir d’un enfant, une lumière dorée qui entoure les souvenirs. Voilà pourquoi j’aime ce jeu sur le fil rouge de la mémoire, un voyage dans les « je me souviens… » de chacun de nous qui ne coûte rien !